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  • Soleil Levant

Comment (ne pas) réussir son confinement ( France culture:Journal de la philo)

Dernière mise à jour : 2 avr. 2020


Avec le confinement, soudain, certain.e.s d'entre nous ont du temps... beaucoup de temps... l'occasion de redécouvrir le goût du café le matin, apprendre à faire son pain, finir ce livre abandonné sur la table de chevet et autres petits riens. Géraldine Mosna-Savoye se demande : pourquoi faudrait-il absolument faire quelque chose pour réussir son confinement ?


Mercredi, je vous parlais de la place prépondérante que les autres, amis, collègues ou famille, prenaient dans nos vies pourtant confinées et censées être solitaires. De fait, cette période inédite se prête aux paradoxes… et parmi ceux-là, il y a l’idée que notre situation extraordinaire serait toutefois le bon moment pour redécouvrir les petits riens de la vie. 

On se souvient de la Première gorgée de bière de Philippe Delerm… enfin, l’occasion nous serait donnée de la savourer… À situation exceptionnelle, plaisir minuscule. Mais l’équation est-elle si pertinente que ça ? Faut-il vraiment s’attacher aux riens quand tout se reconfigure ?


"Rien, c'est déjà beaucoup"

Serge Gainsbourg le dit très bien : "rien, c’est déjà beaucoup". Rien, c’est plus que le néant, c’est plus que le vide. Période de confinement oblige, à la fois libérés des interactions physiques, du travail au bureau et des sorties amicales, mais néanmoins terrifiés face à tout ce vide, tout ce néant, nous voici donc, tout naturellement, portés à le combler… et grâce à tous ces petits riens !


J’en veux pour preuve cette affiche d’un graphiste parisien, apparue dès les premières heures de confinement sur les réseaux sociaux. Son mot d’ordre : "restez à la maison" était ainsi accompagné de toute une liste de petites choses à faire pour s’occuper : lire, dessiner, jouer aux jeux vidéos, avec ses enfants, ou encore arroser ses plantes vertes. 

Le tout pour, je cite : "sauver des vies". Sauver des vies en restant chez soi, être des héros d’intérieur… cette idée m’a tout de suite parlé : j’adore rester chez moi, qui plus est sur mon canapé, qui plus est à ne rien faire. Mais bizarrement, ne rien faire, ce n’est pas forcément pour la plupart des humains : ne faire rien ! 

Avant ça, une foule de petits riens semblent à accomplir, comme le dit très bien cette affiche : lire, dessiner ou jouer… Et c’est là que m’est apparu le terrible paradoxe de cet héroïsme d’intérieur, la terrible ambivalence de son code d’honneur : rester chez vous, oui, mais surtout pas à ne bêtement rien faire, au contraire : faites plein de petits riens… D’où cette question : des petits riens d’accord, mais pour quoi faire ? 


Petits plaisirs, petites choses, petits riens


Regarder grandir sa plante verte, redécouvrir le goût du café le matin, ce café d’habitude si vite avalé, ouvrir, enfin, ce livre abandonné sur son étagère, se plonger dans les chefs-d’oeuvre du cinéma, ou encore apprendre à faire son pain... les conseils ne manquent pas pour faire face au vide du confinement. 

L’idée revient sans cesse : enfin du temps, de l’espace, pour redécouvrir ces petits plaisirs que l’urgence nous vole d’habitude, pour s’attacher à toutes ces petites choses qui font le sel de la vie, pour reprendre goût à ces petits riens oubliés sous des couches de tâches quotidiennes. 

Petits plaisirs, petites choses, petits riens. Quand on y pense, le sous-entendu est assez paradoxal : il s’agirait de remplacer notre vie quotidienne déjà faite d’une somme de choses à effectuer, par d’autres petites choses encore à accomplir. Mais d’où vient cette idée ? 

Pourquoi faudrait-il toujours faire quelque chose ? Le philosophe Pascal avait bien vu que le divertissement était le meilleur remède pour éviter de penser à soi et à la mort… Mais pourquoi aujourd’hui, ce divertissement, ce quelque chose, serait-il petit, minuscule ? Serait-il de fait plus vrai, plus authentique, meilleur ? Plus mignon peut-être ?


Un manque d'ambition


Là est le problème : non seulement, nous avons peur du vide, mais quand nous voulons le combler, nous manquons cruellement d’ambition. Ce n’est pas de faire son pain ou de jouer avec ses enfants qui manque d’ambition, mais de penser que c’est là, dans ce qui serait ces petits riens, que réside une bonne vie, une vraie vie. 

Aurait-on une vie sans intérêt quand elle est vide ? Quand on se fiche de faire son pain ? Quand ça nous ennuie de faire des grimaces à son enfant ? Quand on ne sait pas dessiner ? Ou, tout simplement, quand on allait au travail et qu’on buvait notre café sans y faire attention ?

Quelque chose d’ambitieux, de grand, de fou serait d’affronter le néant, mais c’est trop difficile… Mais enfin, assumer qu’on aime ne faire rien sur son canapé et qu’on aura peut-être rien tiré de ce temps confiné, c’est déjà pas mal. 

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